Des rives de la Méditerranée à l'Orient, de la Turquie aux sources du Gange, en suivant d'anciennes routes commerciales, parcourues par les caravanes depuis plusieurs millénaires, c'est, autant que possible, à pied que Matthieu et Françoise dérouleront un long chemin. En 2016, le premier mouvement de cette aventure les a conduits d'Istanbul à Téhéran en traversant l'Anatolie, les rivages de la Mer Noire, la Géorgie et l'Arménie. Fin août 2017, repartant de Téhéran, ils gagnent la Mer Caspienne ; puis après un transit rapide du Turkménistan, ils rejoignent l'Ouzbekistan, Boukhara, Samarkand, traversent la Ferghana puis atteignent fin novembre 2017 Bishkek, la capitale kirghize. Début septembre 2018, ils quitteront Och au Kirghizstan pour Irkeshtam d'où ils pénétreront en Chine ; puis après la traversée de la Kunjerab Pass, ils enteront au Pakistan, puis atteindront l'Inde et continueront vers Haridwar, but de leur périple.

dimanche 23 septembre 2018

Dans le train en Chine

Nous avions décidé de nous rendre à Kuqa, petite ville située à environ 600 km de Kashgar, sur la route qui contourne le désert du Taklamakan par le nord. Françoise avait un souvenir assez douloureux d’un voyage de 54 h dans un train bondé réalisé entre Turfan et Xian en 1989. Mais les temps ont changé, les trains sont plus nombreux, plus rapides et plus confortables. De plus, 10h de train ou un minimum de 14h de bus ... Le choix a été vite fait. 

 Première étape : acheter un billet. C’est très facile sur internet. Une agence francophone nous réserve des places et nous envoie les numéros de réservation par mail, charge à nous de retirer les billets. 
Mais où peut-on les retirer ? Les avis divergent. Le réceptionniste de l’hôtel a entendu dire qu’on pouvait les obtenir à la Poste ; certains croyaient savoir qu’une agence des chemins de fer chinois rendait ce service près de notre hôtel. En fait, aucun de ces renseignements ne nous a été utile ; il nous fallait faire la démarche à la gare ... qui est fort éloignée du centre ville. 
Nous tentons de prendre un taxi pour aller à la gare ... Nous copions les idéogrammes chinois désignant la Gare sur notre smartphone et les montrons aux chauffeurs de taxis qui tous refusent ... Mais, bien entendu, ils ne comprennent pas ce que nous avons écrit. Nous sommes en pays Ouïgour et c’est l’alphabet arabe qui est utilisé pour l’écriture de la langue locale parlée par la majorité de la population. Aynoor, charmante jeune femme, avec qui nous faisons connaissance dans la journée a eu la gentillesse de nous fournir une version trilingue de notre destination.


Grâce à ce précieux sésame, nous arrivons à la gare. Après quelques contrôles de police et « scan » de notre sac à main, nous nous dirigeons vers le bureau délivrant les billets.
Trois queues impressionnantes. Nous choisissons la moins pire et nous progressons lentement. Chacun des clients qui nous précèdent semble engagé dans un voyage complexe, et les tractations durent, durent, ... Et soudain notre tour arrive. Nous dégainons passeports et numéros de réservation ... et là, sourire de notre interlocutrice ... nous étions, sans doute, pour elle, le premier cas facile de la journée ! Et nous récupérons nos billets en une minute.

Et le lendemain, à 10h30, nous montons dans un wagon presque vide.
Sur le quai, au garde-à-vous, le personnel surveille le départ du train.


Et c’était parti pour 10h. Peu après notre départ, deux délurées petites contrôleuses viennent tenter de faire la conversation avec nous.


Elles nous quittent pour rejoindre le reste de l’équipage et défiler avec eux d’un bout à l’autre du train.


Les premières heures, nous observons le paysage. Collines arides striées de longues fissures, quelques oasis, traces de cours d’eau asséchés depuis longtemps, la vie dans ce pays est une lutte contre le désert. Sur une centaine de kilomètres après Kashgar, des efforts pour domestiquer cette région ingrate sont mis en œuvre :canalisation amenant l’eau de la montagne, quadrillage des surfaces pour stopper l’érosion, plantation d’arbustes, ... et petit à petit, le vert gagne doucement le désert.


Et soudain, c’est un troupeau de chameaux de Bactryane qui apparaît ... Le temps de saisir l’appareil photo et nous ne pourrons en immortaliser qu’un.


Quelques arrêts en gare le long de la route et nous arrivons à Kuqa, les reins un peu endoloris, à l’heure prévue.

 Le retour de Kuqa a été plus mouvementé. 3 heures de retard à l’arrivée. Le train au départ était bondé. Après quelques sourires, nous avons récupéré nos places. Les autres passagers étaient des paysans, lourdement chargés de sacs et d’un seau dans lequel ils portaient leurs réserves de nourriture ...


Tels des migrants à l’intérieur de la Chine, on les voyaient par groupes entiers, descendre du train dans ces nouvelles villes du désert, courir sur les quais, leur fardeau sur le dos, parfois en trainant un enfant, aller vers une nouvelle vie, ...


Et le wagon s’est un peu vidé. Le temps passe lentement. Nous croisons un train joliment décoré. Nous sommes bien sur la route de la soie.


Et nous mangeons. Heureusement des chariots ambulants assurent le ravitaillement.


À côté de nous, une partie de cartes animée bat son plein.


Et soudain, à une station, monte un groupe jovial de Ouïgours. Et presqu’aussitôt ils nous passent une musique entraînante. Une femme se lève, suivie d’une autre, puis d’un homme, puis d’un autre, ... et ils vont danser jusqu’à Kashgar, tournant autour du contrôleur. Leur entrain, leur maitrise de leur art vont faire notre bonheur ainsi que celui des chinois présents dans le wagon.


Nous retrouverons ces danseurs le lendemain dans les petites rues de Kashgar. Nous immortaliserons bien sûr ces retrouvailles.


Matthieu et Françoise

Une longue journée pour entrer en Chine

Au petit matin, avant de quitter Noura, village distant de 5 km du dernier poste kirghize, nous saluons une famille d’ânes.


Puis nous longeons la riviére menant à Irkeshtam, pour atteindre la frontière séparant le Kirghistan de la Chine.


Aprés avoir remonté une ligne continue de camions, nous quittons le Kirghistan et rentrons en Chine les premiers à l'avant poste frontière puis nous gagnons le poste de contrôle de l'immigration quelques km plus loin.





Dans un immense hall nous avons été contrôlés méthodiquement, nos équipements scannés, fouillés minutieusement. Un système de reconnaissance visuelle valide par un signal sonore les photos prises avec celles de nos passeports. En cas d'échec une photo supplémentaire est par les fontionnaires des services de police.
Nos appareils photos et smartphones ont du être remis à l'autorité, accompagnés des clés de déverrouillage.
Après une très longue attente avant la remise de nos appareils nous prenons place dans un taxi collectif remplis de passagers dont les passeports ont été confiés au chauffeur accrédité pour le transfert...

La route se fait au ralenti sous la vigilance de caméras tout au long de ce premier tronçon du parcours à 30 km heure...
Après environ 50 km nous arrivons à un deuxième grand poste de contrôle et attendons environ 1 heure avant que la barrière ne s'ouvre...


De nouveau contrôle des passeports, scan de nos sacs, photos, prise de toutes nos empreintes. Ensuite nous avons du renseigner un document duement signé et mentionnant entre autre la date et le n° de vol retour de Chine (lequel était virtuel pour nous et ajoutait aussi du stress pour l'obtention de notre tampon d'entrée)...
Ce n'était pas terminé, quelques km plus loin, descente du taxi pour un contrôle : nos passeports sont photographiés, des cahiers sont remplis de précieux renseignements sur nous.
Une centaine de km plus tard sous une pluie battante deux nouveau check point des services de police qui ont duré plus d'une heure dont l'un se faisait dans une sorte de cabane de chantier avec une attente à tous vents, et dans le froid... Le contrôle se faisait deux à deux avec une lenteur usant les nerfs des plus calmes par une police vraisemblablement militaire si l'on en juge par la couleur kaki des préposés qui semblaient hilares de la situation...
Ce qui nous a particulièrement marqué indépendamment de la tabagie formant des volutes de fumée stagnante, c'était la maniérisme de la tenue des cigarettes entre le pouce, le majeur et l'annuaire par celui qui semblait être le chef avec une casquette vissée à la tête, le visage émacié et suspicieux.
Et le chauffeur s’arrête devant ce qu’il nous annonce comme un bureau de change ... nous montons les marchés, un policier nous indique une porte et, surprise, derrière celle-ci nous découvrons un tripot où des hommes sombres assis par terre jouaient aux cartes. Nous échangeons nos derniers som kirghizes contre des yuan chinois à un tarif d’escroc ... Ceci dit, qu’aurions-nous fait de nos som en France ? Oui nous avions l'impression d’être les héros d'une bande dessinée de Corto Maltese...


Nous sommes arrivés vers 21 h à l’hôtel à Kashgar après être passés dans le sas d'entrée et nos bagages scannés sous la vigilance de trois agents casqués complètement énervés et épuisés....

Matthieu et Françoise