Des rives de la Méditerranée à l'Orient, de la Turquie aux sources du Gange, en suivant d'anciennes routes commerciales, parcourues par les caravanes depuis plusieurs millénaires, c'est, autant que possible, à pied que Matthieu et Françoise dérouleront un long chemin. En 2016, le premier mouvement de cette aventure les a conduits d'Istanbul à Téhéran en traversant l'Anatolie, les rivages de la Mer Noire, la Géorgie et l'Arménie. Fin août 2017, repartant de Téhéran, ils gagnent la Mer Caspienne ; puis après un transit rapide du Turkménistan, ils rejoignent l'Ouzbekistan, Boukhara, Samarkand, traversent la Ferghana puis atteignent fin novembre 2017 Bishkek, la capitale kirghize. Début septembre 2018, ils quitteront Och au Kirghizstan pour Irkeshtam d'où ils pénétreront en Chine ; puis après la traversée de la Kunjerab Pass, ils enteront au Pakistan, puis atteindront l'Inde et continueront vers Haridwar, but de leur périple.

mercredi 19 septembre 2018

La vie sur les routes kirghizes

C'est le 3 septembre à l’aube que recommence notre premier jour de marche. Le sac qui nous semble bien lourd va heureusement s’alléger au fur et à mesure que nous y puiserons dans nos réserves de nourriture. Nous en tirerons aussi pulls, anoraks, bonnets, chaussettes de laine..., lorsque le froid arrivera avec l'altitude et l'arrière saison.

Ce sera pour ce début de notre troisième mouvement 250 km en 12 jours, dont un jour de repos. Lors de ce parcours nous y trouverons peu de ravitaillement, mais suffisamment d'eau pour couvrir dans ce tronçon en altitude entre 20 et 25 km par jour. Dès le deuxième jour d'une sévère remise en forme nous franchissons un premier col de 2300 m, puis ce seront deux cols successifs de 3600 et 3500m.

Pour finir un très long plateau dont nous couvrons la partie sommitale de 3800 m non sans effort et dans un froid glacial en longeant un des glaciers de la chaînes du Pamir

Ce sera pour nous 12 jours de liberté et de jubilation totale dans de magnifiques et majestueux paysages du Kirghizstan.
Rapidement, les villages se feront plus rares et les troupeaux plus ténus dans l'estive. Restent parfois des roulottes et quelques yourtes occupées par les derniers bergers de la saison .


Dans ces conditions, il n’est pas toujours possible de trouver de logement chez l’habitant. La solution qui s'offre à nous est de bivouaquer. Et au Kirghizstan, l’espace ne manque pas et, tradition nomade oblige, personne n’est surpris de voir une tente.
Au matin de notre première nuit sous tente, nous sommes salués par plusieurs centaines de vaches.


Deux nuits plus tard, nous avons reçu les encouragements de deux pêcheurs pour planter notre campement au bord de la rivière. Ils ont voulu nous offrir deux poissons qu’ils venaient de pêcher. N’ayant pas de réchaud, nous avons décliné leur offrande, ne nous sentant pas le coeur d’avaler ces sortes de gardons frétillants et dorés tout crus.


Après une montée harassante nous sommes au sommet d'un col de plus de 3600 m avec en fond le Pic Lénine le plus haut sommet d'Asie centrale de 7100 métres en face de nous. Ce sera là notre troisième nuit dans une nature sauvage et dénudée.


C'est alors que nous avons eu l'apparition d'une femme, d'un certain âge, vétue de rouge qui, craignant peut être de nous retrouver morts de froid au petit matin, est venu au détour d'un sentier et nous a proposé de loger chez elle. Mais le campement était déjà monté et nous avons décliné avec attention.
Nous nous sommes posé la question : où, diable, pouvait-elle bien habiter dans ce désert minéral ?
Celle ci aprés une courte inspection de notre fragile habitat et la vue de nos sacs de couchage bien gonflé, a semblé rassurée, nous a souri et s'en est allé ...


Le dernier « gros » bourg sur notre route est Sari-Tash, au croisement des routes venant de Chine et du Tadjikistan. Quelques magasins modestement achalandés, plusieurs guest house, un ultime hébergement confortable avant d’entrer en Chine.




Après Sari-Tash, la route se fait pratiquement déserte. Un camion de loin en loin.


Une longue montée pour arriver à 3800m sous un vent très fort ... Il est seulement 15h, mais il commence à tomber une petite pluie glaçante. Aussi, dès que nous trouvons en coin un peu abrité en contre bas de la route, nous nous installons en un temps record. Une collation rapide et vite au chaud dans nos sacs de couchage. Presque douze heures de sommeil et la surprise de nous retrouver sous la neige le lendemain matin.


Notre dernier lieu d'hébergement avant le passage de la frontière s'est effectué dans le village de Nura dans une famille kirghize tenue par deux femmes dont l'une très vive était sourde muette. Nous avons été choyé dans cette maison du bonheur avec de jeunes enfants qui nous ont accueillis avec un charme exquis moyennant une modeste contribution. Nous avons pu nous apercevoir qu'elle n'avait pas l'eau courante et que seule une adduction d'eau située à une centaine de mètres était partagée par tout le quartier.


Et après une nuit d'un très bon repos, nous en sommes allés au petit matin... vers la frontière chinoise.

Matthieu et Françoise