Des rives de la Méditerranée à l'Orient, de la Turquie aux sources du Gange, en suivant d'anciennes routes commerciales, parcourues par les caravanes depuis plusieurs millénaires, c'est, autant que possible, à pied que Matthieu et Françoise dérouleront un long chemin. En 2016, le premier mouvement de cette aventure les a conduits d'Istanbul à Téhéran en traversant l'Anatolie, les rivages de la Mer Noire, la Géorgie et l'Arménie. Fin août 2017, repartant de Téhéran, ils gagnent la Mer Caspienne ; puis après un transit rapide du Turkménistan, ils rejoignent l'Ouzbekistan, Boukhara, Samarkand, traversent la Ferghana puis atteignent fin novembre 2017 Bishkek, la capitale kirghize. Début septembre 2018, ils quitteront Och au Kirghizstan pour Irkeshtam d'où ils pénétreront en Chine ; puis après la traversée de la Kunjerab Pass, ils enteront au Pakistan, puis atteindront l'Inde et continueront vers Haridwar, but de leur périple.

mardi 11 octobre 2016

Premières impressions d'Arménie

Nous quittons le Javakheti, enclave arménienne en Géorgie et passons la frontière dans un paysage magnifique qui nous laisse entrevoir le Mont Ararat. Nous suivons la route pour descendre jusqu'à Gyumri à 1600 m d'altitude.



Gyumri est la deuxième ville du pays. Au temps de sa splendeur, elle comptait jusqu'à 250 000 habitants. Aujourd'hui, elle en dénombre à peine plus de la moitié après le séisme de 1988. Ce tremblement de terre, qui aurait fait entre 30 000 et 80 000 morts, n'était pas le premier. La médiocrité des constructions d'immeubles de type Brejnévien a fait que ceux-ci n'ont pas résisté aux violentes secousses qui ont détruit la cité. Le centre ville laisse une impression de profond malaise. De notre chambre d'hôtel situé dans la grande artère, nous pouvons voir qu'à l'arrière des maisons de l'avenue, tout le quartier laisse place aux friches et aux débris.


L'immeuble jouxtant notre hôtel sur l'avenue est au trois quart détruit. Sa partie arrière est pour moitié effondrée. La façade avant présente des torsions menaçantes qui capturent le regard des passants que nous sommes, passants qui longent cet immeuble du plus vite possible avec l'espoir fou qu'il ne s'effondre pas sur leur passage.



Aucun étayage ne consolidait le bâtiment. Aucune barrière de sécurité empêchant de le longer. Plus surprenant, des habitants logeaient encore dans les parties qui étaient à peu près debout. Des commerces en occupaient certains rez-de-chaussée, dont curieusement, une pharmacie. Visiblement la situation du logement n'est pas complètement réglée actuellement.
Paradoxalement, à côté de cette situation critique que vit une partie de la population, nous sommes surpris par le nombre de voitures luxueuses, aux vitres fumées, parfois gardées par de gros bras en costumes sombres, le regard caché par des Raybans.


Nous avons eu une conversation en demie-teinte avec un arménien attristé et sans espoir. Il nous a fait comprendre que nous étions chanceux d'avoir une vraie démocratie et qu'il avait un profond sentiment de reconnaissance envers des pays tels que les nôtres qui sont venus avec humanité en aide aux habitants après le séisme, ce que la Russie en état de décomposition suite à l'implosion de l'ex union soviétique n'avait pas pu faire (les soviétiques ont quitté le pays en 1991). Derrière ce sentiment d'une absence de démocratie, nous avons perçu que les arrangements entre amis, s'ils font le bonheur de quelques uns, laissent le plus grand nombre dans le dénuement.
En quittant Gyumri pour Yerevan, la route longe l'aéroport. Nous avons été surpris par la rotation continue d'avions militaires. L'Arménie a signé avec la Russie un accord en 1995, accord revu en 2010, pour un système de défense aérienne de la communauté des états indépendants. Cet accord doit perdurer jusqu'en 2044. La base de la division 102 de Gyumri comprend 5000 hommes et revêt une importance stratégique majeure. Elle est équipée du fameux système de défense russe de type S300 et des avions de chasse Mig29.
Cet état de fait met en évidence les liens profonds qui unissent depuis très longtemps les deux pays.
On peut imaginer aussi que la récente visite du Pape François en juin dernier, à la plus ancienne nation chrétienne du monde, indépendamment du caractère religieux, ait eu également un aspect politique.




L'autre meurtrissure de l'Arménie vient d'un découpage géopolitique impossible. Imaginez un long couloir dont la partie sud à l'est comme à l'ouest est contrôlé par l'Azerbaidjan, pays avec lequel l'Arménie est en guerre depuis près de 30 ans, pays également soutenu par la Turquie qui ferme ses frontières avec l'Arménie par solidarité. En clair, les deux voies de passages sont au nord la Géorgie et au sud l'Iran. La région entière du Haut Karabagh Azen, à plus de 80% arménienne, est actuellement en Azerbaïdjan et y est discriminée dans ses droits. Vous avez ainsi les germes d'un conflit interminable qui a fait plus de 25 000 morts des deux côtés en 30 ans.


Matthieu et Françoise