Des rives de la Méditerranée à l'Orient, de la Turquie aux sources du Gange, en suivant d'anciennes routes commerciales, parcourues par les caravanes depuis plusieurs millénaires, c'est, autant que possible, à pied que Matthieu et Françoise dérouleront un long chemin. En 2016, le premier mouvement de cette aventure les a conduits d'Istanbul à Téhéran en traversant l'Anatolie, les rivages de la Mer Noire, la Géorgie et l'Arménie. Fin août 2017, repartant de Téhéran, ils gagnent la Mer Caspienne ; puis après un transit rapide du Turkménistan, ils rejoignent l'Ouzbekistan, Boukhara, Samarkand, traversent la Ferghana puis atteignent fin novembre 2017 Bishkek, la capitale kirghize. Début septembre 2018, ils quitteront Och au Kirghizstan pour Irkeshtam d'où ils pénétreront en Chine ; puis après la traversée de la Kunjerab Pass, ils enteront au Pakistan, puis atteindront l'Inde et continueront vers Haridwar, but de leur périple.

dimanche 13 novembre 2016

Alamut (Article 35)

Alamut, "le nid de l'aigle" était un lieu que nous ne voulions pas manquer de visiter lors de notre séjour en Iran. Ce repaire juché sur un promontoire rocheux, perché à près de 2200 m. est caché dans le massif de l'Elborz.


Ici, au XIème siècle, Hassan I Sabbah a fondé une secte d'Ismaéliens, les Nizarites, qui a alimenté les récits de maints chroniqueurs en Occident comme en Orient. Comme souvent, légendes et réalités se mêlent. Marco Polo fait référence à cette secte, mais il n'a pu en être un témoin direct car lors de ses voyages vers l'Orient, la forteresse d'Alamut n'était plus qu'une ruine ; au XIIème siècle, Frédéric Barberousse reçut un rapport d'un émissaire mentionnant une secte féroce qui, en Syrie, faisait régner la terreur parmi princes Sarrazins et seigneurs chrétiens ;  etc.


Hassan I Sabbah, appelé aussi "le vieil homme de la montagne" est né en Perse. Il aurait étudié l'astrologie avec le poète Omar Khayyam à l'Université de Nishapur (voir le roman Samarcand, Amin Maalouf). Il a voyagé en Égypte où il s'est lié avec la branche Fatimide des Ismaéliens, fondateur de la ville du Caire, qu'il a continué à soutenir à son retour dans son pays avant de s'en détacher ; il prit place, alors, dans la forteresse existante d'Alamut en 1090, l'agrandir et y établit la base de son pouvoir sur les tribus et les populations de la montagne loin des grands centres économiques et politiques du pays. Il s'agissait d' un "royaume" sans frontière exerçant son pouvoir politique et économique à l'intérieur des empires existants. Hassan I Sabah définit une nouvelle forme de tactique guerrière. Ses adeptes, entièrement sous son pouvoir, prêts à se sacrifier pour accomplir ses desseins, infiltraient les rangs de ses ennemis, parfois durant plusieurs années, pour les tuer à l'arme blanche. Ses actions s'étendaient, paraît-il, jusqu'en Inde et même à Paris.

Les guerriers d'Alamut étaient désignés par le terme Hashishyyjn. Ce terme, qui a souvent été faussement associé à "consommateur de haschich", vient plus vraisemblablement du terme Asâs qui signifie base ou fondement. C'est la thèse défendue par Amin Maalouf dans son roman Samarcand.
Ce qui semble par contre certain est que  Hashishyyjn a donné naissance au latin assassino, puis au français assassin.

Alamut fut détruite par les Mongols conduits par Hulagu Khan en 1256. Le domaine de Hassan I Sabah n'est plus qu'un tas de ruines au sommet de son rocher dans un cadre impressionnant.

C'est ce lieu mythique que nous avons décidé de visiter depuis Qazvin. Par une superbe journée de novembre, entassés à 5 dans la vaillante Nissan Patrol de Hussein, coachés par notre ami Kasra et accompagnés de Bharan, nous avons laissé la ville et le plateau désertique pour 80 kilomètres de routes de montagne sinueuses et étroites. Au fur et à mesure de notre progression, le paysage se découvre de plus en plus magnifique. Terres et riches passant de l'ocre au rouge, feuillages éclatants des vergers autour des villages, gorges escarpées, et au fond, les sommets enneigés des montagnes.







Et nous arrivons au pied du rocher d'Alamut. Il ne nous restait qu'à l'escalader par un étroit escalier creusé dans la roche pour, 200m plus haut, voir le nid de l'aigle où régna l'homme qui fit trembler empires et petits royaume il y a mille ans. Quelques murs, deux ou trois traces d'habitat, quelques pierres, ... Il reste peu de chose de ce curieux état mais la situation sur ce piton rocheux, les aigles qui volent autour, la vue extraordinaire qu'on découvre, font qu'il est facile de se laisser à rêver à ce morceau d'histoire. Nous sommes, tous les 5, sous le charme du lieu.




La visite s'est terminée par un copieux pique-nique au pied du rocher.


Et ce fut le retour dans un soleil couchant qui faisait flamboyer les montagnes. Les conversations vont bon train dans la voiture ; nos amis sont avides de savoir ce que les français pensent de l'Iran et ce que, nous, marcheurs sur les routes iraniennes, nous en pensons. L'Iran est et sera un grand pays. Le niveau d'éducation des jeunes associé à une longue et riche histoire ne laisse aucun doute sur ce point.

À la nuit, nous retrouvons Qazvin, ses rues animées, son  caravansérail magistralement restauré, et un émouvant monument illustrant la route de la soie à la porte de la ville.









Matthieu et Françoise