Des rives de la Méditerranée à l'Orient, de la Turquie aux sources du Gange, en suivant d'anciennes routes commerciales, parcourues par les caravanes depuis plusieurs millénaires, c'est, autant que possible, à pied que Matthieu et Françoise dérouleront un long chemin. En 2016, le premier mouvement de cette aventure les a conduits d'Istanbul à Téhéran en traversant l'Anatolie, les rivages de la Mer Noire, la Géorgie et l'Arménie. Fin août 2017, repartant de Téhéran, ils gagnent la Mer Caspienne ; puis après un transit rapide du Turkménistan, ils rejoignent l'Ouzbekistan, Boukhara, Samarkand, traversent la Ferghana puis atteignent fin novembre 2017 Bishkek, la capitale kirghize. Début septembre 2018, ils quitteront Och au Kirghizstan pour Irkeshtam d'où ils pénétreront en Chine ; puis après la traversée de la Kunjerab Pass, ils enteront au Pakistan, puis atteindront l'Inde et continueront vers Haridwar, but de leur périple.

dimanche 13 novembre 2016

Tabriz (Article 34)

Nous sommes arrivés à Tabriz le 25 octobre, transis de froid et écrasés de fatigue, après une route épuisante sous un vent continu et une pluie glacée. Le thermomètre accusera, en cette fin d'octobre, des températures allant jusqu'à -5 degrés dans cette région réputée pour la rigueur de son climat. Et c'est alors que nous avons été pris en charge par la chaîne des soufis iraniens pilotée depuis Téhéran par Firouz, ami d'amis (Christiane et Michel Rouffet de Compostelle - Cordoue). Ce furent d'abord les sourires et la bienveillance d'Amir et de Soheil qui nous réchauffèrent le cœur. Ayant négocié pour nous, à un excellent tarif, un hôtel en plein centre ville, ils nous y accompagnèrent rapidement poussant la gentillesse jusqu'à porter nos sacs à dos.

Tabriz, localisée dans l'Azerbaïdjan iranien, a été capitale de la Perse jusqu'au début du XVème siècle. La capitale fut ensuite transférée plus au sud à Qazvin et Téhéran, cités moins exposées aux pressions turques et russes.

Lessive, séchage de nos chaussures, douche et nuit sous une chaude couette, nous reprenons vie. Dès le lendemain matin, nos nouveaux amis, Amir et Soheil, nous apprenaient à traverser courageusement les rues au milieu d'un flux anarchique de voitures. Plus sérieusement, ils nous ont guidés dans l'immense bazar de Tabriz érigé au XIIIème siècle et qui s'étend sur un réseau de plusieurs kilomètres d'allées. Ce fut un émerveillement de circuler au milieu des échoppes de tous genres, de couleurs et senteurs des épices, des ahanements des porteurs, du bruissement de la foule, des rires des enfants. Après avoir marché seuls dans des paysages désertiques, nous reprenons goût à une vie bouillonnante où s'entremêlent une population affairée, souriante et nous souhaitant fréquemment "Welcome in Iran". Nous nous sentions si bien dans ces dédales, couverts de voûtes de briques pluri séculaires que nous aurions pu y passer des journées entières.






C'est à Tabriz également que nos amis nous ont fait déguster des plats populaires comme le fameux sandwich de pommes de terre et œufs durs pour le moins roboratif. Nous y avons aussi testé une potée de légumes et de mouton assez proche du pot au feu, mais illuminé par des saveurs orientales ; nous avons appris à en prélever le bouillon dans un bol dans lequel on coupe du pain ; le bouillon terminé, il faut passer aux choses sérieuses et écraser pois chiches, viande et légumes avec un pilon. Manger cette purée c'est s'assurer d'un après-midi plein d'énergie.



C'est dans le bazar de Tabriz que nous avons pu admirer les magnifiques tapis de la région. Mêlant laine et soie, finesse des dessins, couleurs chatoyantes. Nous avons été surpris par la discrétion, à la limite de l'indifférence des marchands. Ici, contrairement à l'image que l'on peut se faire d'un marchand de tapis, on n'invective pas le chaland, on ne le sollicite pas. C'est tout juste s'il ne faut pas supplier le marchand pour lui arracher un prix. On reste courtois, dans son élégant costume, presque distant derrière son bureau comme des seigneurs gardiens de trésors et traditions précieuses. Dans ce coin feutré du bazar, nous avons été interviewé par une jeune équipe d'une chaîne locale de télévision. La retransmission de cet interview restera pour nous un mystère.






Le petit musée de Tabriz nous a aussi permis de mieux situer son histoire. Nous avons été émerveillés devant la beauté des objets et l'art que les artisans de la région ont développé durant des millénaires : poteries délicates, verreries aux profondes couleurs bleues et vertes, bijoux, statues, etc.




Avant de reprendre la route, nous sommes passés chez le coiffeur afin de reprendre une allure présentable et d'effacer les épreuves de la route et du temps. Matthieu accompagné de nos mentors s'est vu rafraîchir sa coupe dans un salon. Françoise, pendant ce temps, se faisait dorloter par une charmante coiffeuse dans la discrétion d'un petit appartement à l'abri de tout regard masculin.





Nous ne saurons oublier l'attention de nos amis soufis tout au long de ce court séjour. Ils nous ont accueillis comme des amis, presque comme des frères et sœurs du chemin. Nous leur en sommes infiniment reconnaissants.
S'il faut qualifier cette qualité et intelligence de cœur et lui donner un vrai sens, c'est le véritable esprit de compassion, simple, sans fioritures et profondément humain.



Matthieu et Françoise