Des rives de la Méditerranée à l'Orient, de la Turquie aux sources du Gange, en suivant d'anciennes routes commerciales, parcourues par les caravanes depuis plusieurs millénaires, c'est, autant que possible, à pied que Matthieu et Françoise dérouleront un long chemin. En 2016, le premier mouvement de cette aventure les a conduits d'Istanbul à Téhéran en traversant l'Anatolie, les rivages de la Mer Noire, la Géorgie et l'Arménie. Fin août 2017, repartant de Téhéran, ils gagnent la Mer Caspienne ; puis après un transit rapide du Turkménistan, ils rejoignent l'Ouzbekistan, Boukhara, Samarkand, traversent la Ferghana puis atteignent fin novembre 2017 Bishkek, la capitale kirghize. Début septembre 2018, ils quitteront Och au Kirghizstan pour Irkeshtam d'où ils pénétreront en Chine ; puis après la traversée de la Kunjerab Pass, ils enteront au Pakistan, puis atteindront l'Inde et continueront vers Haridwar, but de leur périple.

samedi 30 septembre 2017

Achoura

Dès notre arrivée à Tonekabon, les coulisses d'un spectacle mettant en scène de nombreux comédiens amateurs nous rappellent que entrons dans la période des fêtes d'Achoura. Ce spectacle reprend le thème du martyre de Hussein, petit-fils du Prophète, et de sa famille, tous assasinés à Kerbala par les Omeyades. Les bons, à savoir Hussein et sa famille, sont en blanc ; ils avancent au rythme des chameaux de leur caravane. Les méchants sont en noir, leurs visages sont masqués. Ils s'apprêtent à tendre leur embuscade. Ces représentations attirent toujours des fidèles car Hussein et son père Ali sont reconnus dans l'Islam chiite comme les porteurs de la parole du Prophète.



Un peu plus de trois semaines plus tard nous arrivons dans la petite ville de Bojnourd, porte du Korassan, et nous y plongeons dans une atmosphère fébrile, enthousiaste, bon enfant. Nous sommes au coeur de ces festivités qui ont un sens important pour tous les Iraniens. Le dressing code est le noir que l'on voit partout. Le porter est un acte d'appartenance à la foi, à la tradition et à l'esprit patriotique. Les rues sont remplies de tchadors et de chemises noires.



Partout des incantations religieuses chantées par des chantres aux voix puissantes sont rythmées aux sons des tambours et grosses caisses.



L'ensemble s'accompagne du bruit des fouets métalliques qui s'abattent sur les épaules des pèlerins en guise de mortifications.




Des hommes se frappent la poitrine au rythme des chants. Seuls les hommes qu'ils soient très jeunes ou vieux participent à cette parade qui rappelle les grandes démonstrations de foi en Andalousie lors de la semaine sainte.

Achoura est pour les Iraniens plus qu' une manifestation religieuse ; il symbolise la résistance à l'oppresseur et l'appartenance à un islam chiiste qui s'est imposé à partir des vagues d'immigration en provenance d'Irak. Les Abbassides voulant s'imposer face aux Omeyades ont, dans un premier temps, laissé le chiisme se développer. Neanmoins, par la suite, ils l'ont combattu et cette religion n'a pu se développer que dans la clandestinité comme au temps des premiers chrétiens.

Le chiisme comme religion d'état ne s'est imposé officiellement que sous les Safavides à partir de la fin du14ème et au début du 15ème siècle. On observe cependant que les prémisses du rapprochement entre le chiisme et le pouvoir aient été déjà bien engagés par Oldjaïtu arrière petit fils de Gengis Khan qui a laissé en témoignage le site remarquable de Sultanyé près de Zanjan dont il avait fait sa capitale.

Comme on a pu le constater, actuellement, la fête d'Achoura fait largement aussi référence aux shahids (martyrs) c'est à dire à tous ceux qui dont tombés lors de la guerre Iran Irak. Leurs visages sont omniprésents dans les panneaux d'affichage à l'entrée des villages, sur les murs des maisons, à la porte des mosquees, à la television, etc.


Cette forme de communication qui conserve un soutien d'une partie non négligeable de la population semble actuellement moins sensibiliser les plus éduqués et les jeunes. Il est dit qu'environ 1/3 des Iraniens sont véritablement pratiquants.



Matthieu et Françoise